L'homme sorti de la mer by de Monfreid Henry

Auteur:de Monfreid, Henry [de Monfreid, Henry]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Grasset
Publié: 2011-02-26T23:44:33.626000+00:00

Il réussit à mettre sa ceinture et lentement, pour ménager ses forces, il nagea vers cette masse sombre où tournaient dans le ciel les bras infinis d'une croix lumineuse.

Au passage de chaque éclat, sa face camuse apparaissait dans le moutonnement des vagues. La mer portait le monstre, elle le soutenait pour qu'il aille vers son tragique destin, comme un félin se joue de sa victime avant de la dévorer.

J'ignore quelle fut alors l'expression de cette face humaine, mais je devais la revoir au jour de l'expiation, quand elle m'apparut à son heure dernière.

Drossé au sud par le courant, Joseph Eibou ne put atteindre l'îlot d'Abou Aïl comme il en avait eu l'intention, et il aurait été emporté au large si le calme qui me permit, ce jour-là, de franchir le détroit de Bab el-Mandeb, n'eût favorisé le contre-courant à l'heure du flot. Après dix heures de lutte, il aborda à l'île Djebel Zukur, à bout de forces. Il crut bien avoir seulement changé le genre de sa mort en abordant sur cette île maudite. Il allait y périr de soif. Quant à tenter de traverser la passe d'un mille et demi pour retourner vers Abou Aïl, il n'en avait plus la force. D'ailleurs, même en partant de l'extrémité la plus au nord de l'île, le courant était trop rapide et sa nage trop lente pour lui permettre de franchir une telle distance avant d'avoir dépassé la pointe sud de l'île.

Et puis, réflexion faite, il ne pouvait laisser soupçonner sa présence en ces parages où, précisément, Mlle Wolf avait disparu, car il ne doutait pas que sa disparition n'ait été située aux environs de l'heure où le veilleur vint frapper à la cabine. Le verrou poussé lui semblait devoir affirmer une hypothèse bien voisine de la vérité. Il savait que Mlle Wolf avait croisé le veilleur un peu avant de s'accouder à la coupée. Dans ces conditions, comment admettre qu'elle fût retournée à sa cabine et s'y fût enfermée pour se suicider, en sautant à la mer par le sabord ? Non, tout criait la vérité : il y avait eu attentat et son agresseur, surpris alors qu'il fouillait ses bagages, avait fui dans l'espoir de gagner l'îlot que le navire doublait en ce moment.

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